Journal de bord

#1 (TW : Dépression et pensées suicidaires)

J’écris depuis une phase dépressive sévère.

J’écris alors que je suis enfermée dans ma tête.

Hier un ami m’a dit de dire les choses, de dire que je n’en peux plus, que je n’y crois plus, que j’ai envie de crever. Il m’a dit de le répéter autant que possible.

Alors ce matin je me dis pourquoi pas tenir un journal de bord, pour dire les choses, mais aussi pour m’accompagner en attendant le rétablissement.

J’ai appris il y a peu qu’en santé mentale on parle plutôt de rétablissement que de guérison. Car guérit-on jamais vraiment d’un trouble chronique de la chimie du cerveau?

J’écris depuis mon lit, lieu refuge que je ne peux plus voir en peinture. J’ai beau trouver la force d’aérer tous les jours cette pièce, j’ai le sentiment que la literie est imprégnée de l’odeur de la souffrance.

J’écris depuis le désespoir, cette pensée profonde qu’être en vie ne sert à rien. Pas dans ce monde horrible. Pas dans cette vie où régulièrement je suis gagnée par la dépression, par la rechute.

J’écris depuis l’envie de crever pour que la douleur s’éteigne. Depuis ce lit où j’ai pensé au suicide assisté. Où j’ai fait la liste des personnes à qui ça ferait trop de mal de me voir disparaitre ainsi, cette liste qui s’amenuise.

J’écris depuis le pessimisme, depuis l’anxiété qui fait tout voir en noir, qui ne voit que les absents, que les disputes, que les reproches. L’anxiété qui se nourrit du négatif pour m’envahir toujours plus.

J’écris depuis ma prison chimique. Celle qui ne fonctionne pas correctement et celle que je créé avec diverses molécules, avec un succès relatif.

J’écris après une phase hypomaniaque, celle où je me suis dit que la dépression arriverait.

J’écris depuis ce trouble de l’humeur que je n’ai pas vu venir, que je n’aurais jamais cru avoir, moi l’abonnée à la phase dépressive. J’ai besoin de répéter la question tous les ans à mon psychiatre. J’ai besoin de savoir si ce sont les médicaments qui créent les phases hypomaniaques ou mon cerveau. Et la réponse est toujours la même, je ne fais que l’oublier. C’est mon cerveau qui fonctionne mal. Il a une plus grande tendance à la dépression mais l’hypomanie n’est pas le fruit des médicaments, ils ne sont qu’un révélateur.

J’écris depuis la non acceptation de mon trouble. Depuis le ras-le-bol du yoyo. Depuis les kilos qui s’accumulent avec le traitement et la nourriture médicament.

J’écris depuis le désespoir.

J’écris depuis la solitude.

J’écris depuis mon lit où je ne parviens pas à penser que je finirai par aller mieux.

...

Extension du domaine de la meuf

Extension du domaine de la meuf

Par Emilie Bee